07 Mai Pourquoi nos médecins utilisent-ils l’hypnose contre la douleur ?
Vous corrélez hypnose et monde du spectacle ? Détrompez-vous ! Certains médecins de l’Atir ont désormais recours à des séances d’hypnose thérapeutique pour diminuer l’anxiété et la douleur des patients dialysés. L’Atir complète ainsi son volet médicamenteux de la prise en charge de la douleur, pour améliorer le parcours de soins des insuffisants rénaux chroniques. Le docteur Carceles, très impliquée dans cette approche aux résultats étonnants, nous l’explique.
« J’ai découvert les bienfaits de l’hypnose thérapeutique il y a dix ans, grâce à une amie néphrologue à Clermont-Ferrand. Son père, anesthésiste, l’y avait initiée car il l’utilisait de longue date pour accompagner ses patients au bloc opératoire », raconte Odette Carceles, néphrologue de l’Atir. Formée depuis à cette pratique et à l’analgésie, elle s’en sert lorsqu’elle doit procéder à des gestes douloureux pour les patients. « Par exemple, pour accompagner les ponctions délicates de fistules, illustre-t-elle. En hypnose conversationnelle ou en séance plus formelle, j’ai pu faire des biopsies rénales, de greffons, des poses de cathéter, même en urgence. J’ai aussi accompagné des patients subissant divers gestes hospitaliers (angioplasties, poses de drain…) et lors de crises d’angoisse. »
A chaque fois, l’hypnose thérapeutique s’est révélée immédiatement bénéfique : « L’angoisse du patient diminue, les équipes infirmières autour s’apaisent et le soin se passe dans de bien meilleures conditions. On en retire un énorme sentiment de satisfaction. » L’association a donc décidé d’en tirer profit dans la prise en charge de l’insuffisance rénale chronique.
Quelle éthique de l’hypnose à l’Atir ?
Depuis son arrivée à l’Atir, le docteur Carceles a approfondi sa formation. « J’ai appris de nouveaux protocoles, pour proposer aux patients l’hypnose thérapeutique sur un champ d’application plus large, sans toutefois dépasser mes prérogatives ». L’hypnose qu’elle pratique est médicale. « Il s’agit de l’hypnose ericksonienne. En tant que médecin, je respecte une éthique : j’ai donc choisi des protocoles que les neurosciences et les études en psychologie ont validés. Je me réfère, en outre, aux sociétés savantes françaises et internationales. »
Les praticiens de l’hypnose ericksonienne ne contrôlent pas pour autant le dialysé. Celui-ci garde pleine conscience de ce qui se passe en séance, et peut d’ailleurs choisir de l’interrompre quand il le souhaite. « Nous ne sommes pas les magiciens du monde du spectacle. En aucun cas nous ne manipulons le patient, expose Odette Carceles. C’est même l’inverse : nous l’aidons à utiliser ses propres capacités pour déprogrammer une souffrance, une peur, une douleur, une addiction – comme le tabac – qui le manipulent. Nous l’amenons à déclencher son pouvoir d’auto-guérison. L’hypnose thérapeutique est libératrice et remet la personne en mouvement. »
La transe hypnotique pour déprogrammer douleur et anxiété
Comment le médecin amène-t-elle le patient à prendre ainsi du recul sur sa douleur, ses peurs ? En l’accompagnant, par la parole, en douceur, avec des techniques de visualisation et de relaxation, vers un état de conscience modifiée, appelé transe hypnotique. « Le principe est d’élargir sa perception, de le sortir du mode maîtrise. La transe hypnotique le place en intense réceptivité et il peut ressentir pleinement son corps, son environnement, la relation à autrui. Cela va l’aider à se libérer de ses tensions, en puisant dans son inconscient les ressources qui le soulageront. »
Cet état hypnotique est naturel : nous le rencontrons souvent, sans nous en rendre compte, par exemple, lorsque nous nous plongeons dans la lecture d’un roman. Nous avons alors l’impression que le temps s’est suspendu, nous nous évadons. L’hypnothérapeute ne fait qu’amplifier ce phénomène. « Quand on parle de transe, on imagine un état bizarre, mais c’est un état physiologique. La transe est un passage d’une confusion à un éclairage, pour trouver ses propres solutions. »
L’adhésion des patients, comme des soignants
L’hypnose thérapeutique engendre des changements d’attitude étonnants chez les patients dialysés. En déprogrammant ce qui provoque chez eux de l’anxiété lors des séances de dialyse, l’équipe de l’Atir leur fait gagner en sérénité et, par conséquent, en qualité de vie. « Ils ressentent vite les bienfaits de ce soin, touche d’humanité parmi les soins techniques de la dialyse. Je recueille 100 % de satisfaction immédiate, s’enthousiasme le docteur Carceles. Soit les patients me la manifestent verbalement, soit j’observe leur apaisement, sur le visage, le corps qui se décontracte, un sourire. Je sais alors que j’ai fait le job. Et j’ai aussi de très bons retours des séances que les infirmiers font en salle et en session d’éducation thérapeutique. »
Résultat : d’une part, les patients – dont beaucoup souffrent de symptômes anxiodépressifs, de stress chronique, de douleurs psychologiques et physiques –, sont demandeurs de séances d’hypnose. D’autre part, les équipes soignantes – formées, de leur côté, au training autogène par Catherine Jannet, Ph’Dr, docteur en psychopathologie, neurosciences et criminologue – sont très favorables au développement de ce soin, qui adoucit le contact avec les dialysés et dévoile leur souffrance, pour les aider à s’en départir.
Heureuses perspectives pour la prise en charge de la souffrance
« En dialyse, nous sommes démunis quand les médicaments ne sont pas une réponse adaptée à la gestion de la douleur. L’hypnose thérapeutique est donc pour nous un outil supplémentaire, qui apporte au soin flexibilité et créativité. C’est très satisfaisant. C’est pourquoi je souhaite que le plus de collaborateurs possible y soient initiés. Nous devons encourager une prise en charge globale et multidisciplinaire de la santé. Quel progrès si chaque soignant est en mesure de repérer un problème psychique et de proposer des approches complémentaires pour le traiter : soin hypnotique, suivi par notre psychologue ou un psychiatre, prise en charge sociale… ! »
À cette perspective stimulante pour l’Atir, le docteur Carceles en ajoute une autre : celle de former les patients à l’autohypnose, pour qu’ils maîtrisent leur souffrance, en particulier celle liée à la fistule artérioveineuse, de manière autonome.