06 Juin Comment les patients de l’Atir mettent-ils la main à la pâte ?
Oui, à l’Atir, les patients mettent la main à la pâte. L’une de ses unités d’hémodialyse de proximité (UHP), située à Koutio, près de Nouméa, en témoigne. En effet, son équipe de soignants a pour projet de service d’accompagner les dialysés vers plus d’autonomie dans leurs soins. Comment s’y prend-elle ? En les invitant, par exemple, à monter leur générateur de dialyse.
L’unité d’hémodialyse de proximité (UHP) de Koutio compte huit infirmiers de dialyse et cinq agents de service. Chaque semaine, sur cinq séries, dont l’une en soirée les lundis, mercredis et vendredis, elle prend en charge une cinquantaine de patients. Leur caractéristique : ils sont mobiles et relativement stables cliniquement. Un terreau fertile pour les inciter à plus d’autonomie dans la prise en charge de leur maladie rénale chronique. C’est donc l’objectif que l’unité s’est fixé, mi-2022, l’érigeant en projet de service.
Halte à la passivité des dialysés !
« Le projet d’autonomiser les patients s’est révélé en réunion de service en 2022 », retrace Anne-Françoise, cadre des soins. Elles supervisait alors l’UHP de Koutio. « L’équipe soignante manifestait régulièrement sa lassitude devant la passivité des patients, leur manque d’observance des traitements. Les IDE s’interrogeaient sur la façon de les responsabiliser, de faire en sorte qu’ils subissent moins la dialyse. Or, j’ai vu, dans mon parcours professionnel, des dialysés monter leur générateur. Cela entrainaît une belle dynamique, chez les patients comme chez les soignants. J’ai donc proposé de travailler sur ce premier axe d’autonomisation. »
L’idée a rapidement convaincu l’équipe de Koutio. « Nous en avons fait notre projet de service, explique Elsa, infirmière diplômée d’Etat (IDE) chargée de le mener. Avec Anne-Françoise, nous avons travaillé pendant deux mois la méthode pour enseigner le montage des générateurs et l’organisation des formations. Nous avons dû confronter nos pratiques, les homogénéiser, pour définir un socle commun d’instructions. En effet, la technique de montage doit être claire et uniforme, pour ne pas décourager les patients. »
Anne-Françoise a également veillé à rendre la procédure d’accompagnement accessible à tous les IDE. En effet, il vaut mieux éviter les liens de dépendance entre le patient et tel ou tel soignant instructeur.
Merci à Pierre, premier patient volontaire
L’équipe de Koutio s’est ainsi dotée de supports pédagogiques, de tableaux de suivi des apprentissages des patients et d’indicateurs. Elle a communiqué le projet à tous les patients, ce qui a éveillé la curiosité et suscité des interrogations. « Nous avons procédé à des formations tests au montage des générateurs, avec Anne et Sandra, mes collègues cadres des soins, relate Anne-Françoise. Les IDE de Koutio ont ainsi pu éprouver les difficultés d’enseigner, de garder le bon comportement devant les hésitations de l’apprenti. »
L’UHP a ensuite déterminé les patients auxquels proposer la formation et repensé l’organisation de leurs séances de dialyse. « Nous avons commencé sur la série de l’après-midi. Nous avons expliqué aux dialysés les bienfaits de cette autonomie nouvelle et la procédure mise en place pour faciliter leur apprentissage. Pierre s’est vite porté volontaire. Nous avons défini le moment le plus propice pour le former, prévenu ses ambulanciers de le déposer plus tôt et, mi-décembre, c’était parti ! », se réjouit Elsa Miranda, première IDE référente du projet.
Le générateur de dialyse désacralisé
En trois semaines, Pierre a appris à monter son générateur de dialyse, guidé par Elsa. « Au fur et à mesure qu’il découvrait le fonctionnement de la machine, il posait des questions. Il s’est vraiment impliqué, avec enthousiasme et sans se décourager. Il a, surtout, désacralisé le générateur et gagné confiance en lui. »
Aujourd’hui, d’autres IDE prennent le relais d’Elsa. « Pierre arrive un quart d’heure avant la séance, se pèse, se lave les mains, s’installe et organise son matériel pour monter son générateur. Il se débrouille seul. Quand il a terminé, un IDE vérifie que tout fonctionne bien », résume Elsa. Grâce à cette expérience, un lien spécial s’est créé entre Pierre et les soignants. « Il témoigne auprès des autres patients que devenir acteur de sa santé, c’est diminuer l’appréhension des soins. Un deuxième dialysé a commencé sa formation le 10 mars. Quand ils seront plusieurs, on assistera à une forme d’émulation au montage de générateurs ! »
L’autonomisation des patients, un projet pour tous
Le projet de service est valorisant. L’équipe y adhère donc. Les IDE, qui, jusque-là, montaient les générateurs en quelques minutes, acceptent d’accorder davantage de temps à la surveillance de l’opération effectuée par les patients volontaires. Ils les éduquent aussi à l’hygiène et l’asepsie nécessaires au montage. Les cinq agents de service de l’unité ont, de leur côté, un rôle important dans le processus d’autonomisation des patients. « En effet, elles les accueillent, les écoutent et facilitent la communication avec eux, en particulier quand ils s’expriment en langue océanienne, souligne Anne-Françoise. Elles expliquent pourquoi les patients qui montent leur générateur entrent en salle avant les autres et font passer l’information que les volontaires sont les bienvenus. »
Elsa et Anne-Françoise ne cachent pas leur satisfaction devant ce parcours de progrès. « C’est déjà une victoire d’avoir impliqué deux patients volontaires dans leur prise en charge et d’avoir finalisé ce projet. Nous estimerons avoir atteint notre objectif dans un an, s’ils continuent de monter leur générateur et si d’autres patients ont suivi. » En attendant, le projet de service est bénéfique à l’équipe de Koutio, qui y trouve une remarquable source de cohésion. Ce d’autant plus que l’UHP promeut d’autres pratiques d’autonomisation des patients : la technique médicale du buttonhole, en particulier. »
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Pierre,
premier patient à dompter son générateur
Pourquoi avez-vous souhaité apprendre à monter votre générateur de dialyse ?
Pierre : L’équipe de l’UHP m’a proposé d’apprendre, en m’expliquant l’avantage de devenir autonome dans les soins. J’ai accepté sans savoir vers quoi j’allais, j’étais très fier d’être le premier patient à me lancer. Au fur et à mesure de la formation, j’ai ressenti le besoin de comprendre et j’ai posé des questions. La troisième semaine, j’avais vraiment envie de savoir me débrouiller seul.
Qu’est-ce que cette expérience vous a déjà apporté ?
Pierre : Avant, je demandais régulièrement à écourter les séances de dialyse. Maintenant, j’ai compris le rôle de l’épuration du sang, l’importance du temps en dialyse pour me soigner et je ne le demande plus. Avant j’attendais, j’étais passif ; maintenant, j’agis, je me rends utile, je me prends en charge.
Que voudriez-vous dire aux autres patients dialysés ?
Pierre : Je les invite à monter leurs générateurs, c’est une expérience qui fait gagner confiance en soi et mieux comprendre sa maladie. L’équipe est top pour nous encadrer.