2024 : à l’Atir, chronologie d’une gestion de crise

L'Atir saccagée à Dumbéa sur Mer pendant la crise de mai-juin 2024.

2024 : à l’Atir, chronologie d’une gestion de crise

Gestion de crise : à compter du 13 mai, pendant huit semaines, la Nouvelle-Calédonie a vécu de graves émeutes qui ont pesé sur la prise en charge des malades. L’Atir, dont la mission est de traiter, notamment en dialyse, les insuffisants rénaux chroniques, a dû trouver des solutions inédites pour l’accomplir coûte que coûte. Retour, étape par étape, sur la façon dont elle a porté secours à ses patients.

Le siège de l'Atir saccagé à Dumbéa sur Mer pendant les émeutes de mai 2024.

Le siège de l’Atir, situé à Dumbéa sur Mer, dans le grand Nouméa, a subi des dégâts pendant les émeutes de mai 2024.

 

13 mai : de violentes émeutes éclatent dans le grand Nouméa

Elles révèlent une grave crise sociale, sur fond d’enjeux institutionnels locaux. À l’annonce de barrages routiers, la plupart des collaborateurs de l’Atir rentrent chez eux avec leur matériel (ordinateurs portables, etc.) en vue de télétravailler.

14 mai : le chef de l’État instaure l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie, avec un couvre-feu de 18h à 6h

En effet, les barrages, incendies et destructions – de commerces, bâtiments et infrastructures – entravent la circulation des personnes et des biens. La direction de l’Atir décide de fermer toutes ses unités de dialyse du grand Nouméa. Elle déclenche aussi la première réunion de sa cellule de crise, sans se douter que plusieurs dizaines d’autres suivront. L’objectif : organiser la prise en charge d’un maximum de patients, en lien avec le CHT et le partenaire U2nc. La cellule se réunira plusieurs fois par jour au gré des événements.

Les unités de dialyse de proximité (UHP) situées en brousse (Koumac, Poindimié et Thio) poursuivent leurs activités.

15 mai : infirmiers et médecins forment une centrale d’appel

La cellule, chargée d’établir une lien avec les patients, les appelle et leur donne des consignes diététiques. Elle identifie ceux montrant des signes évocateurs et demande un avis médical, si nécessaire. Les soignants les informent que l’Atir travaille à leur trouver une solution sûre de prise en charge sur une de ses unités. Les cadres des soins déterminent où programmer les dialyses et avec quel transporteur, sur un planning de séances raccourcies à trois heures, deux fois par semaine.

16 mai : l’unité de dialyse de proximité (UHP) de l’Atir à Robinson rouvre ses portes pour accueillir une vingtaine de patients

L'unité de dialyse de proximité de l'Atir à Robinson.L’unité de dialyse médicalisée de Dumbéa sur Mer (UDM de DSM) est trouvée saccagée. Les locaux administratifs de l’Atir situés dans l’immeuble Le Santal, incendiés. Le centre médical qui héberge l’UHP de Kaméré est complètement détruit.

Les déplacements de soignants en ambulance commencent. Afin de rationner les stocks de consommables, les unités de brousse et des îles ne dialysent les patients que deux fois par semaine.

17 mai : la direction de l’Atir lance un appel à soignants volontaires

Il s’agit de renforcer les équipes d’IDE et d’agents de service de Robinson et de la clinique Kuindo-Magnin. Le docteur Castellano, médecin de l’Atir, se met à disposition de l’unité U2nc de Médisud.

20 mai : la direction de l’Atir lance un appel à la raison et au dialogue, par voie de presse et sur les réseaux sociaux

Le message : dégager l’accès aux centres de dialyse.

L’UHP de Koutio rouvre deux séries de dialyse de 2h30 à 3h, pour accueillir les patients à raison d’une séance tous les trois jours. Les médecins de l’Atir assurent une présence médicale continue sur toutes les unités Atir du grand Nouméa ouvertes. Les locaux de la pharmacie à usage interne (PUI), ZAC Panda, sont à nouveau accessibles sur des temps très courts. L’Atir y récupère du matériel. Elle établit un stockage secondaire de produits destinés à la dialyse péritonéale (DP) chez l’un de ses infirmiers, à Nouméa. Les livraisons des patients de DP commencent, grâce aux IDE de l’unité de dialyse à domicile (UDD) et aux ambulances.

Les voisins, solidaires, ont aidé à nettoyer l'unité de dialyse de Dumbéa sur Mer, en pleine crise.

Les voisins, solidaires, ont aidé à nettoyer l’unité de dialyse de Dumbéa sur Mer, en pleine crise.

Nettoyage de la salle de dialyse Notou à DSM et ouverture à 12h pour quatre patients.

21 mai : lettre aux autorités pour un plan d’action d’urgence

L’association Renaloo adresse une lettre aux autorités – président de la République, Premier ministre, gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. Elle leur demande un plan d’action d’urgence en faveur des patients dialysés néocalédoniens.

22 mai

Mission récupération de matériel à Kaméré.

Mission récupération de matériel à Kaméré.

Après de violents affrontements à DSM, l’Atir ferme son unité de dialyse médicalisée pour 48h. Le CHT prend en charge ses  patients. Ce temps est utilisé pour consolider l’unité. Des appels aux bonnes volontés passent sur les radios et rencontrent un franc succès.

L’Atir organise la récupération de générateurs dans son unité de Kaméré, situé dans un quartier insurgé.

23 et 24 mai

Deux médecins de l’Atir bloqués hors du pays assurent désormais l’astreinte par mail et chat professionnel :

-Brigitte Glasman pour la dialyse péritonéale, les unités des îles et les interrogations médicales de la cellule d’appel ;

-Raphaël Cohen pour les unités de brousse et les demandes d’avis.

Le site de DSM accueille à nouveau des patients, dans de meilleures conditions.

La pharmacie à usage interne organise les premières livraisons vers les unités du grand Nouméa.

25 mai

Grâce aux efforts remarquables des équipes, des artisans sollicités et au déblayage des détritusLes équipes soignantes dorment dans l'unité Atir de Koutio. extérieurs par les forces de l’ordre, l’UDM de DSM accueille à nouveau deux séries de six patients en journée. Seule l’UHP de Koutio effectue trois séries, dont une en soirée (séances de quatre heures). Étant donné le couvre-feu, patients et soignants dorment sur place.

26 mai

Pour sécuriser la reprise du travail et démarrer les séances entre 6h30 et 7h du matin, l’Atir organise le transport en ambulance des soignants et patients vers ses unités.

28 mai

Le président de la République lève l’état d’urgence ; le couvre-feu est maintenu cependant, entre 18h et 6h du matin.

Joseph, livreur de l’Atir, assure une première livraison vers la Province Nord, parsemée d’embûches – barrages et fouilles approfondies. Un bol d’air pour les unités de Koumac, Poindimié et Koné.

Le centre d’appel poursuit son énorme travail de programmation pour trouver de la place en dialyse à tous les patients.

29 mai

Avec l’ouverture des deux salles Nautile et Notou, à DSM, l’Atir reprend en charge quasiment tous ses patients habituels du grand Nouméa, sur trois séances par semaine d’environ trois heures chacune.

En vue de retrouver un fonctionnement normal :

-une équipe de magasiniers et d’IDE est chargée de ranger et suivre les stocks de DSM, pour assurer quarante-huit dialyses par jour au maximum, sur trois types de générateurs ;

Nettoyage de l'unité de Dumbéa sur Mer, tous les soignants de l'Atir aident.

-des agents nettoient l’unité de dialyse à domicile (UDD) de DSM.

 

30 mai

La PUI, ZAC Panda, a retrouvé tous ses collaborateurs – pharmacien, magasiniers, chauffeurs, membres du service Achats – et prépare à nouveau les commandes. Les UHP des îles Loyauté et de Thio sont réapprovisionnées, par terre (grâce à notre chauffeur-livreur, Jesse) et par mer.

31 mai

Nos chauffeurs-livreurs (Jesse, Yvon) réapprovisionnent l’unité U2nc de Bourail.

L’Atir (Eric) reprend aussi la collecte des déchets d’activités de soins à risque infectieux (DASRI) dans le grand Nouméa, pour traitement à la clinique Kuindo-Magnin.

Des navettes privées prennent le relais des ambulances pour amener patients et personnel dans les unités du grand Nouméa, à partir de 6h30. Elles récupèrent les soignants habitant le sud de Nouméa sur le parking de la baie de la Moselle et ceux des quartiers nord et du grand Nouméa, à domicile.

La gendarmerie restitue à l’Atir l’un de ses fourgons volés, retrouvé à La Foa.

1er juin

Le service technique répare les générateurs de dialyse.

Le service technique de l’Atir répare les générateurs de dialyse avec les moyens du bord.

L’équipe technique démonte les équipements de l’UHP de Kaméré (traitement d’eau, etc.) pour les mettre en sécurité au CHT.

3 juin

L’Atir livre à la société de shipping Moana Services les produits nécessaires au fonctionnement de l’UHP de Wallis, tandis que les livraisons de produits de dialyse péritonéale aux patients à domicile de Nouméa et du grand Nouméa reprennent normalement.

Le dépotage d’un container permet de livrer la PUI. Rassurée sur ses stocks, l’Atir décide la reprise des trois séances d’hémodialyse hebdomadaires dans les UHP des îles Loyauté.

4 juin

L’Atir assure désormais les livraisons des unités de proximité de Koné, Koumac et Poindimié chaque semaine. Leurs équipes préparent le retour aux trois séances hebdomadaires de tous les patients de ces unités.

5 juin

L’Atir reprend la collecte des DASRI dans toutes les unités d’hémodialyse du pays, soit directement, soit, ponctuellement, via des sous-traitants (comme à Poindimié). Nos médecins s’organisent pour assurer le suivi à distance des malades rénaux choraux chroniques de brousse, des îles et de Wallis et Futuna.

À DSM, le service technique occupe la salle de dialyse Niaouli où il remet en service les générateurs détériorés. Le personnel administratif s’y installe aussi.

7 juinL'équipe de soignants de l'Atir de Koutio assure les séances de dialyse en soirée.

Démarrage d’une série en soirée, les lundi, mercredi et vendredi, à l’UHP de Koutio, pour les patients aux gros besoins de dialyse. Les soignants passent également la nuit dans l’unité jusqu’à la levée du couvre-feu. Cette série libère des places pour d’autres patients en journée et soulage CHT et U2nc.

9/10 juin

Les techniciens effectuent des travaux dominicaux à l’UDM de DSM (sécurisation des vitres brisées notamment). Les unités de Koné et Koumac repassent à trois séances par semaine pour tous les patients.

13 juin

Livraison des commandes d’érythropoïétine EPO (Eprex) à la PUI grâce au pont aérien de l’armée entre la France et la Nouvelle-Calédonie.

Les générateurs de dialyse vandalisés pendant la crise de mai 2023.

17 juin

Le couvre-feu s’applique désormais de 20h à 6h du matin. Certains soignants utilisent à nouveau leurs véhicules personnels pour rejoindre les unités du grand Nouméa. L’UHP de Poindimié reprend trois séances par semaine par patient et ouvre un dixième poste de dialyse. Cette capacité augmentée lui permet de prendre en charge tous ses patients sur deux séries la journée.

19 juin

Arrestation de leaders de la cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), considérés comme à l’origine des troubles urbains, dont son chef Christian Tein.

24 juin

L’envoi vers l’Hexagone des leaders de la CCAT emprisonnés entraine de nouvelles émeutes dans le grand Nouméa. Les unités de Koutio et DSM sont inaccessibles. La direction des soins identifie les patients du grand Nouméa capables de se rendre dans les centres de l’U2nc (clinique Kuindo-Magnin et Médisud) ou à l’unité Atir de Robinson, ouverte l’après-midi, vers laquelle une équipe de soignants est acheminée par navette. Par précaution, l’Atir programme des dialyses à J+3 pour les patients du grand Nouméa.

La cellule d’appel reprend du service pour rester en lien avec les patients et les informer sur leurs prochaines séances de dialyse. L’unité de dialyse à domicile (UDD) organise le suivi de ses patients du grand Nouméa.

25 juin

Les unités de Robinson, Kuindo-Magnin et Médisud effectuent des séries courtes pour les patients qui auraient dû subir la dialyse la veille. L’unité de Koutio annule ses soirées pour 48 heures. Des navettes emmènent des soignants à DSM et Koutio pour entamer les dialyses d’une seule série de patients prioritaires, à 10h30.

Les livraisons des patients à domicile et des unités reprennent, mais celles destinées aux unités de brousse sont mises en attente.

26 et 27 juin

Les unités du grand Nouméa rattrapent les retards de dialyse de la veille en effectuant trois séries de 2h30 environ.

28 juin

L’activité reprend normalement dans les unités du grand Nouméa, avec deux séries de quatre heures.

Semaine du 8 juillet

Après les élections législatives des 30 juin et 7 juillet, intervenues sans incident majeur, les tensions urbaines se calment progressivement dans la capitale. Avec l’arrivée de pièces détachées, les techniciens de l’Atir peuvent réparer les générateurs de dialyse nécessaires pour programmer l’ouverture de la salle Niaouli de DSM.

Semaine du 15 juillet

Fin des navettes de jour acheminant les soignants vers les unités ; seules les navettes prévues pour les soirées sur Koutio sont maintenues.

22 juillet

Le couvre-feu est réduit, de 21h à 5h du matin.

26 juillet

La direction de l’Atir décide de fermer temporairement l’UHP de Thio jusqu’à nouvel ordre. En effet, le village est devenu trop dangereux – les médecins du centre médico-social l’ont quitté – et impossible à approvisionner en produits de dialyse. Notre véhicule de livraison, menacé, a rebroussé chemin chargé de matériel de dialyse. Les patients hémodialysés de l’unité sont répartis sur celles du grand Nouméa, au CHT et dans les unités U2nc de La Foa et Bourail.

29 juillet

Réouverture de la salle de dialyse Niaouli à DSM.