02 Mar L’Atir face à la souffrance psychique du patient
Oui, la maladie rénale chronique engendre des souffrances psychiques chez les patients. Pour les aider à les surmonter, l’Atir leur propose des consultations avec une psychologue. Comment celle-ci les approche-t-elle ? Quelles difficultés soulage-t-elle ? Quelques explications sur une pratique parfois incomprise mais essentielle au traitement des dialysés.
Si la maladie rénale chronique fait souffrir les patients dans leur corps, elle atteint aussi leur esprit. C’est pourquoi l’Atir embauche une psychologue clinicienne, Camille Pontière, depuis août 2015, à temps partiel. « Je rencontre, en consultation individuelle, tous les nouveaux patients en hémodialyse et en dialyse péritonéale à Dumbéa sur Mer. Le premier entretien me sert à les mettre en confiance et cerner leur état psychologique. Je les rassure, en démystifiant avec humour mon métier, car c’est souvent la première fois qu’ils ont affaire à un psychologue. J’essaie de savoir comment ils vivent leur entrée en dialyse, s’ils ressentent d’autres souffrances que celles liées à la maladie rénale chronique, ce qui se passe chez eux. Je suis à l’écoute de tout pour dépister d’éventuelles problématiques. »
Le choc de la maladie irréversible
Camille relève-t-elle des troubles propres aux patients insuffisants rénaux chroniques ? « Oui. L’insuffisance rénale chronique est une maladie irréversible. Les patients ont beaucoup de mal à l’accepter. L’annonce de leur mise en dialyse est un choc éprouvant. Ils en ont une représentation négative, ils l’associent à la fin de vie. Beaucoup connaissent un membre de la famille mort en dialyse et pensent, par conséquent : je suis dialysé.e, je suis condamné.e. A ce premier choc, s’ajoute, pour certains, la culpabilité de n’avoir pas pris soin de leur santé, avant la dialyse. Ils étaient dans le déni de leur diabète. Ils me disent : si j’avais su… Et ils vivent dans la honte vis-à-vis de leurs proches. »
Plus jamais la vie normale !
Lorsque les patients sont demandeurs d’un suivi, la psychologue va donc s’attacher, une fois par semaine ou par quinzaine, à leur faire accepter la maladie rénale chronique et son traitement. « Je les accompagne pour qu’ils comprennent qu’effectivement, leurs reins ne guériront pas, que la dialyse durera et qu’ils doivent faire le deuil de leur vie normale. Ils traversent colère, tristesse, déni… L’objectif est de les faire cheminer. »
Au fil des séances, un espace de parole libérateur
Camille offre aux patients un espace de parole confidentiel. « Ils m’expriment leurs peurs, comme ils n’osent pas le faire avec leur entourage. La peur de l’inconnu, du traitement lourd et anxiogène, du sang, des aiguilles, de la douleur au moment des ponctions. Notre échange les soulage et les amène à réaliser qu’il vaut mieux se rendre aux séances de dialyse. S’ils observent le traitement, ils s’apaisent au fil des séances. J’aide également les patients plus jeunes, ayant une vie active, à réorganiser leur quotidien sereinement. »
Pour que les soignants tiennent compte de ces souffrances psychologiques, Camille échange régulièrement avec eux et intègre une synthèse de chaque consultation au dossier médical des patients. « Les médecins, cadres de soins, infirmiers, peuvent ainsi connaître l’état de santé psychique des dialysés. C’est important pour savoir ce qu’on peut leur demander. »
Membre de l’équipe d’éducation thérapeutique des patients
Camille visite de temps en temps les patients des unités éloignées de l’Atir, sur le territoire calédonien. « Dans ce cas, les entretiens de groupe sont plus cohérents que des consultations irrégulières. » En outre, elle fait partie de l’équipe pluridisciplinaire animant les ateliers d’éducation thérapeutique des patients (ETP) à l’Atir, autour de l’infirmière diplômée d’Etat Cécile Caillaba. La psychologue reçoit enfin, en consultation individuelle, les donneurs potentiels pour préparer la greffe rénale.
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Un message au personnel sur l’agressivité du patient
A l’Atir, Camille Pontière travaille en bon accord avec les infirmiers diplômés d’Etat (IDE), médecins et cadres de soins. « Les patients changent de statut social, familial, etc. D’actifs, de chefs de famille, ils passent au statut de malades, inactifs, isolés. Ils ont honte de parler de leur maladie. D’où des symptômes dépressifs, un repli sur soi, parfois de l’agressivité. J’aide les soignants à détecter ces signes d’une souffrance psychologique, pour adapter leur attitude. »
Les IDE et agents de service peuvent se croire la cible de l’agressivité du patient. « C’est difficile pour eux, qui sont quotidiennement au contact des dialysés mais, malgré les apparences, cette colère n’est pas dirigée contre eux personnellement. Elle est dirigée contre la maladie. La situation est d’autant plus délicate que les patients les plus agressifs sont ceux qui refusent la prise en charge psychologique. Or, cette agressivité dit quelque chose de leur souffrance. Nous devons tous prendre du recul pour mieux la gérer et contribuer à apaiser le patient. Que les IDE, les agents, n’hésitent pas à me solliciter, quand ils notent des changements de comportement chez le patient. »